La petite histoire du masque à travers l'Histoire
Nous serions bien orgueilleux de penser que le masque dans sa définition générale est une invention moderne. Et il en est de même pour le masque de protection qui est en réalité bien plus vieux qu’on ne l’imagine. Le masque a toujours fait partie de la culture humaine, et a tenu une place importante dans l’évolution des civilisations avec ses utilisations spécifiques. Explorons les différentes significations du masque à travers l’Histoire.
Le masque figure de théâtre
Commençons par une note joyeuse concernant ce drôle d'outil. A l’époque de la Grèce Antique, le masque est un symbole de caractérisation du personnage sur scène. Il porte les traits des émotions tels que la douleur dans la tragédie ou le rire grotesque pour la comédie. Ces masques stéréotypés permettent au spectateur d’identifier le rôle du personnage (héro, roi, esclave, divinités…) et ce même de loin dans un amphithéâtre. Il est alors conçu en matériaux légers comme en écorce, en cuir ou en toile enduite de cire.
Il sera incontournable en Europe, à la Renaissance, grâce à la Commedia dell’Arte, cet art impose le masque comme un personnage et définit celui-ci. Certains masques adoptés dans cet art proviendront d'épisodes historiques macabres permettant de tourner la peur en ridicule, comme le personnage d'Il dottore dont le masque s'inspire de celui des médecins-becs, médecins des épidémies de peste. Ensuite, la mode des carnavals s'inspirera de cet art, et le masque se parera de ses plus beaux atours, de couleurs chatoyantes, de matières nobles et de bijoux.
N'oublions pas le plus légendaire des masques… le masque du fantôme de l’Opéra ! Personnage emblématique de l’Opéra Garnier qui sera l'acteur principal de nombreux ouvrages littéraires et d’œuvres scéniques. Son histoire ne sera jamais élucidée mais son masque blanc reste un symbole de la culture parisienne, de son charme et de la passion amoureuse.
Le masque de protection
Contrairement aux idées reçues le masque de protection remonte à l’Empire Romain ! Ils sont fabriqués à partir de vessies animales et servent aux miniers pour se protéger des vapeurs toxiques qui émanent des produits extraits lors de leur labeur. Imaginez le plaisir de porter un tel masque...
Mais c'est à partir du XVIIème siècle que les masques de protection à usage médical sont utilisés. L'évolution de ces dispositifs de protection a été conditionnée par les nombreuses - et parfois farfelues - théories sur l'hygiène et la transmission des microbes.
L’un des masques les plus connus, est le masque bec d’oiseau imaginé par Charles de Lorme. Utilisé durant les épidémies de peste au XVIIème siècle par les médecins-becs, celui-ci était intégré dans une combinaison totale et servait de protection à une époque où l’on pensait que l’air était le vecteur contaminant de la maladie, la théorie des miasmes. Cette théorie datant de l'Antiquité et élaborée par Hippocrate stipulait que l'élément pathogène était les odeurs nauséabondes émanant des patients (miasma, pollution en ancien grec). Ce masque particulier (et effrayant) avait cette forme pour accueillir en son bec, non pas un fromage mais une mixture désinfectante composée d’herbes, d’épices, de camphre et de fleurs séchées pour filtrer les odeurs auprès des malades et ainsi protéger les médecins…
Après les découvertes passionnantes de Louis Pasteur sur les microbes et les germes responsables des infections, la théorie précédente fut remise en cause et une nouvelle fut établie, la théorie des germes. Un médecin allemand, Carl Flügge prouva le bien fondé des travaux de Pasteur en apportant la preuve scientifique que les postillons étaient les vecteurs des bactéries et microbes responsables des infections.
Il demanda alors à un célèbre chirurgien de l’époque (Johann Mikulics) de concevoir un masque appelé « bandeau à bouche » que les médecins porteraient lors des opérations pour protéger les patients et ce dès 1897. C'est ainsi que les masques médicaux sont introduits dans le milieu hospitalier.
Plusieurs tentatives d’amélioration de ce « bandeau à bouche » furent réalisées pour être plus couvrant, plus efficace, plus agréable à porter sans grand succès, jusqu’à l’apparition du masque chirurgical dans les années 1920 ! Celui-ci était constitué d’une pièce en toile rectangulaire couvrant le nez et la bouche, attaché derrière la tête et dont la partie inférieure était prolongé par un plastron de toile recouvrant la blouse des médecins.
Les premières épidémies
La grippe espagnole, célèbre épidémie du début du XXème siècle, contribua à la généralisation du port du masque. Désormais les populations également utilisaient le masque de protection et celui-ci n’était plus réservé aux seuls médecins. Il parait même que sans cet indispensable morceau de tissu, il était impossible de monter dans les transports en commun de l’époque… L’histoire se répète et nous n’inventons rien.
Ironiquement, déjà lors de cette épidémie, le masque était fortement recommandé à travers l’Europe. Toutefois comme en témoigne des archives journalistiques de 1929, les français étaient réticents à l’idée de se parer d’un masque par « crainte d’être ridicule » et que cet accessoire ne corresponde pas à la mode parisienne de l'époque.
Il fut même noté que dans des villes comme San Francisco, la diminution du nombre de décès observés dans la ville était le résultat de la décision politique de port du masque obligatoire. Ainsi la première motivation du port du masque n'est plus uniquement de protéger les patients en salle opératoire mais également de protéger le porteur contre les infections.
Les masques jetables, symbole de la révolution industrielle...
Aujourd’hui parfois mis en doute, controversés et dénigrés au début de l’épidémie, les masques réutilisables (constitués de gaze imprégnée d’antiseptique) étaient la norme au début du XXème siècle. En 1918 on pouvait lire, "Un masque peut être lavé à plusieurs reprises et utilisé indéfiniment".
Il faut attendre le début de la révolution industrielle qui suite aux progrès scientifiques et à l'établissement de normes réglementaires concernant la fabrication des masques et la garantie de leur efficacité pour voir apparaitre les masques jetables. La production massive de masques jetables dans les années 1960 soutiendra à la fin de cette décennie la politique du "tout jetable" en milieu hospitalier afin de garantir notamment les conditions de stérilité.
Déjà en 1975, une étude scientifique comparait les différences d'efficacité des masques en coton réutilisable avec les masques chirurgicaux jetables. Dans celle-ci est stipulé le fait qu'un masque en coton à 4 plis de très bonne fabrique est tout aussi efficace qu'un masque jetable synthétique. Malheureusement, le masque réutilisable a par la suite disparu des usages.
Le XXIème siècle
Cette nouvelle page de l'Histoire s'écrit chaque jour... La pandémie Covid19 aura favorisé l'avènement du masque chirurgical dans notre la vie quotidienne, avec pour conséquence fâcheuse l’apparition d’un nouveau type de pollution par les résidus du plastique utilisé dans ces masques composés à 100% de polypropylène qui s'accompagne malheureusement d'une nouvelle conséquence du masque jetable, la pollution plastique... l’Histoire ne pouvait prévoir une telle pandémie et vulgarisation du port du masque, mais il serait peut-être temps que nous nous inspirions des faits passés pour écrire le futur ?